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1968 - 2018: Roussalka
Après un passage à la pointe de Kaliakra, nous sommes revenus à Balgarevo pour prendre la route de Sveti Nicola, terminus à Roussalka.
Mes derniers souvenirs remontent à l'été 70, il y a 48 ans, mais je crois me rappeler que la plaine était nue, écrasée de soleil. Il y a aujourd’hui davantage d’arbres me semble-t-il, et des plantations gigantesques d’arbres fruitiers, des pommiers en particulier.La route mène tout droit sur la mer, la cassure, la descente, et en bas de nouveau bâtiments, avant l’ancienne barrière, qui existe toujours, mais qu’on ne peut franchir sans être passé au préalable à la réception, située à gauche de la route, devant un immense parking qui accueille les voitures de visiteurs pour la journée.
En s’acquittant de 6 leva par personne, on obtient un bracelet de couleur au poignet avec lequel on peut entrer.
Ce qui m’a frappé au premier abord, c’est la luxuriance de la végétation. Les arbres sont devenus immenses, on ne voit pratiquement plus le « Papagal », l’ancienne réception qui est devenue une salle de fitness.
Les deux maisons identiques, dont une était occupé par mon père existent toujours et sont entretenues.
La petite crique de la voile a été massacrée par une mauvaise jetée en ciment et une autre en ferraille qui ne sert à rien ? Plus un bateau là, plus même une barque de pêche, comme il y en avait encore quand le Club Européen du Tourisme a débarqué, en 68.
Les douches chaudes et sulfureuses sont toujours là, une partie est récupérée pour emplir des vasques en plein air dans lesquelles trempent des touristes...
Le restaurant existe toujours, avec beaucoup moins de salles, car le nombre de couverts servis est ridicule, je crois qu’il n’y a à présent qu’un buffet minimaliste qui n’intéresse pas grand monde. En fait, la majorité des gens qui viennent ici le font comme nous, à la journée, rares sont ceux qui séjournent.
Et les salles de restaurant non utilisées ne sont plus du tout entretenues...
Le bar n’a pas changé, la scène non plus, à part une horreur de toit qu’ils ont mis pour protéger les musiciens (?) du vent et de la pluie, et qui masque la vue magnifique sur la baie, derrière.
Le rocher « Tolboukine » est toujours là, naturellement. Une belle houle qui le faisait sortir de temps à autre m’a permis de le montrer à Bernard et Bertrand. Je leur ai bien sûr raconté l’histoire du hors-bord de ski nautique et de son chauffeur au strabisme convergent qui se la pétait comme pas deux, et qui s’était payé Tolboukine un matin avec son rafiot…
Les bungalows utilisés par les touristes sont soit d’anciens bungalows qui ont été modifiés avec des ouvertures plus larges, soit de nouveaux, carrément construits devant les anciens.
Les espaces verts sont impeccablement tenus, le gazon tondu, les allées pavées en bon état. Tout ce qui est utilisé est entretenu comme il faut.
Nous sommes allés nous baigner à la Grande Plage, je ne me souvenais plus de ces bacs circulaires en terrasse qui contiennent le sable, et au milieu desquels sont plantés des parasols. L’eau était bonne, on a joué un peu dans les vagues et on s’est un peu raboté sur les cailloux qui affleurent le sable, sous l’eau. Ça aussi, je ne m’en rappelais plus, mais ça m’est vite revenu.
Le théâtre, lui aussi, est totalement abandonné. C’était un lieu assez sympathique, un peu à l’écart, dans de grands arbres. Mais qui aujourd’hui serait intéressé ne serait-ce que par un peu de culture, de musique ? Roussalka est devenue un écrin pour beaufs qui viennent là pour la plage uniquement.
Si tous ces espaces à touristes ont encore belle allure, tous les bungalows inutilisés -en fait presque tous les anciens- sont laissés à l’abandon. Des scellés ferment leurs portes, je suppose que cela permet de voir du premier coup d’œil si le bungalow a été squatté ou non.
Dans des temps moins anciens, des conditionneurs d’air avaient été installés (il n’y en avait pas, bien sûr, il y a cinquante ans), preuve que les bungalows ont été utilisés à une certaine époque.
Curieusement, bien que certains bâtiments tombent en ruine, que les crépis soient détériorés, que les rambardes des balcons se désagrègent sous la pourriture, il se dégage un charme incroyable de ce village abandonné
Est-ce parce que je l’ai connu plein de vie, que j’ai joué du haut de mes treize ans à me perdre dans les ruelles et les passages incroyablement bien conçus par l’architecte originel ?
En prenant mes photos de toute cette désolation, paradoxalement, je n’ai pas ressenti de tristesse, mais j’ai été pris par le charme de cette architecture qui doucement, se confond dans la verdure qui reprend ses droits.
J’avais très peur d’être très déçu. Globalement je ne le suis pas. En particulier la mer est très propre, sans aucun déchet flottant ou déposé sur les plages. Pourtant les épiciers du coin distribuent des sacs plastiques à tout bout de champ.
J’ai une dernière fois visité cet endroit de perdition sur la plage, une sorte de bar troglodyte très peu éclairé, dont l'activité commençait fort tard, et qui n’a pas changé.
Et puis nous sommes repartis, j’ai grimpé la côte sur mon vélo, en pensant fort à mon père, qui aimait lui aussi le vélo,
Il a dirigé le village de vacances de Roussalka les trois premières saisons, en 68, 69 et 70.
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Commentaires
Belle tranche de nostalgie partagée...